Élu vice président du conseil consultatif de l’ICom,( conseil international des musées ) en 2019 au Japon , Christian Nana est un orfèvre dans ce milieu , connu pour son dynamisme et son sens de la précision , il a bien voulu nous dévoiler son projet au sein de cette institution muséale .
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!1) Après votre brillante élection au sein de la vice présidence du conseil consultatif de l’ICOM , quels sont les sentiments qui vous animent ?
-Les sentiments de joie doublés d’un sentiment de défi qui seront les miens dans les prochaines années , à l’issue de cette élection où j’ai été porté à la vice présidence du Conseil consultatif de l’ICOM , l’Afrique occupe un siège stratégique et aujourd’hui cette Afrique devrait apporter sa contribution pour l’évolution de la profession muséale et être un acteur inclusif pour les musées africains et émergents .
2) Comment s’est opérée votre élection ?
– Il faut d’abord le préciser après tous les trois ans , le bureau de l’ICOM est renouvelé , il y’a un certain nombre de critères qu’il faut remplir pour déposer sa candidature , j’ai envoyé toute la documentation y afférente ,il y’a un comité qui siège pour sélectionner les candidatures qui répondent aux normes requises , il s’est avéré que ma candidature ne souffre d’aucun manquement , nous étions trois au départ un australien , un belge et moi .Lors de la conférence triennale à Kyoto en Septembre dernier , le belge s’est rattaché à ma candidature pour porter la voix de l’Afrique et de l’espace francophone . J’ai remporté les élections devant l’Australien avec plus de 78% de voies .Ce qui prouve que j’ai la confiance de mes pairs africains et occidentaux .Le monde aura les yeux rivés vers le Cameroun et l’Afrique .C’est vrai , je ne suis pas le premier africain à occuper ce poste , avant moi , il y’a de cela 6 ans un ghanéen avait occupé ce poste , il a fait un mandat .Moi j’espère faire deux mandats ( au poste de vice président consultatif de l’Icom , on ne peut pas excéder deux mandats ) pour implémenter mon plan d’action et porter la voix de l’Afrique .
3) Quels sont vos principaux chevaux de bataille ?
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Comme je l’ai dit dans mon discours en Septembre dernier au Japon , je m’engage à être un vice président inclusif parceque je me rends compte que dans une institution comme l’ICOM qui est un foisonnement d’intelligence et de culture , la langue la plus parlée est l’anglais et la plupart des professionnels de musées ne s »expriment pas dans cette langue , ils ont besoin de traducteurs ce qui crée un frein , issu de cette communauté francophone , moi j’ai la chance d’être bilingue , je serai le porte parole de ces professionnels de musée au sein de cette institution , j’apporterai ainsi leurs contributions et je dévoilerai leurs préoccupations .Outre les pays africains , il y’a aussi le comité des pays émergents qui peine à se faire entendre , aujourd’hui , il n’est pas question de faire bloc pour contrer les pays occidentaux , mais de faire bloc pour avancer la cause des professionnels des musées de ces pays .
4) Dans l’un de ses multiples discours , le président français Emmanuel Macron a promis aux pays africains la restitution de leurs vestiges pillés lors de la colonisation , qu’allez vous faire pour que cette promesse se réalise ?
– Le discours du président français à Ouagadougou est un discours politique parcequ’il est d’abord un Chef d’Etat et en tant que Chef d’Etat , il y’a des astuces pour redorer le blason de son pays , parcequ’on sent que la France est en perte de vitesse en Afrique . Les africains ayant un sentiment de frustration envers la politique française , il était de bon ton qu’il fasse cette annonce . L’ancien président français François Hollande à son époque a promis la déclassification des archives , aujourd’hui Emmanuel Macron promet la restitution des objets culturels volés .Vous voyez , c’est chronologique , ça ne relève pas du hasard.Sachant que c’est le souhait d’un certain nombre de communautés , parceque certains États ne connaissent pas la valeur des objets pillés . Sentant la pression , Emmanuel Macron a anticipé en faisant cette promesse de restituer les objets pillés , moi je trouve que c’est bien . La démarche doit être celle des pays africains , les objets culturels pillés appartiennent aux tribus. Le rapport qu’on a avec nos œuvres ne sont pas les mêmes qu’ont les occidentaux avec ces dernières .En Afrique , on a ce qu’on appelle les œuvres vivantes c’est à dire qu’elles sont encore en activité , des œuvres qui participent encore aux rites .En guise d’exemple , je vous citerai la statue Afo -Akom issue de la communauté Tikar qui s’est retrouvée aux Etats Unis .On a constaté que durant une période bien déterminée cette statuette émettait des vibrations , après des recherches , on a constaté que le peuple Akom faisait des cérémonies pour purifier le royaume , la statuette faisant partie du rite et émettait de ce fait des vibrations. Sentant que cette œuvre ne pouvait pas rester aux Etats Unis , le musée a restitué cette statuette au peuple Akom .C’est pour vous amener à comprendre , qu’il y’a plusieurs œuvres africaines en Occident , il faut d’abord faire un inventaire à partir de la période post coloniale .Il y’a plusieurs œuvres qui ont été pillées par les missionnaires , soit disant que ce sont des œuvres maléfiques et les ont ramené en Occident . Certains objets culturels ont été aussi spoliés à l’époque sous forme de Colis diplomatiques .Le cas de la France est un peu compliqué car il y’a une loi là bas qui stipule que tout objet culturel qui entre en France devient la propriété de l’État , il y’a donc un certain nombre de dispositions que l’on doit prendre pour entamer les procédures de rapatriement des œuvres .
5) Ne pouvez vous pas solliciter l’aide de l’UNESCO d’autant plus qu’elle entretient des relations avec l’ICOM?
-c’est un travail d’équipe L’UNESCO a son rôle à jouer d’autant plus qu’elle est une institution importante , l’ICOM est un organe technique .Il y’a plusieurs débats au sein de la société occidentale , certains blancs pensent que si l’on remet aux noirs leurs objets , ils ne pourront pas bien les garder .Nous , on leur demande de restituer d’abord , quand ils ont pris ces objets , à l’époque il y’avait pas une notion de musée .Ces masques et objets de valeur étaient conservés dans des endroits bien précis .D’où même la nécessité de revoir la notion de musée , il faut repenser les musées , il faut les éclater .
6) Quid de l’option des collectionneurs privés ?
– Vous avez bien dit collectionneurs privés , ce sont des amateurs d’art qui ont obte
nu des objets avec leur propre argent .Sous ce volet là , c’est le droit privé qui fait loi . C’est une démarche que les États peuvent emprunter .Dans le cas de politique culturelle ,je prends l’exemple du Bénin où là bas les autorités construisent les musées pour pouvoir accueillir les objets qui pourront être restitués .Par contre , le Cameroun est à la traîne , normalement ce sont les autres qui devaient prendre exemple sur nous .
7 ) Outre votre poste au sein de l’ICOM , vous êtes le Directeur du musée Blackatittude , comment se porte le musée en cette période où sévit la pandémie du coronavirus ?
– Le musée se porte très mal comme toutes les autres institutions , nous sommes fermés depuis deux mois , on ne nous a pas demandé de fermer , mais pour préserver la santé du personnel et des visiteurs , nous avons décidé de fermer le musée .Nous sommes presqu’ à l’agonie , l’Etat Camerounais n’a pas mis un plan pour soutenir les institutions muséales , c’est très compliqué pour nous , il nous faut beaucoup de poches d’oxygiène pour pouvoir sortir de cette agonie .
8) Qu’est ce qu’on retrouve au sein du musée Blackatittude ?
– le musée Blackatittude c’est une philosophie , on retrouve toutes les œuvres Africaines . Concernant le Cameroun , les 10 régions sont représentées à travers es 4 aires culturelles .Mais l’aire culturelle Grassfield est plus représentée parceque la culture a plus d’impact .Celui qui visite le musée Blackatittude pourra s’imprégner de la culture ,des rites du Cameroun et de l’Afrique .
Yahaya Idrissou